Amour et eau fraiche

AMOUR ET EAU FRAICHE

JE SUIS ARTISTE CONTEUSE

Amour :

« Dis Christine, mais pourquoi tu n’es toujours pas intermittente du spectacle, tu gagnerais mieux ta vie, non ? »

Cette question je l’entends depuis 20 ans…

J’ai fait en 20 ans de carrière des cachets GUSO, des boites de productions, de la micro entreprise, de l’entreprenariat en scoop, des contrats, et de l’associatif.

Pourquoi résister au système magique et difficile de l’intermittence et en effet avoir une insécurité financière permanente ?

L’amour de mon métier. Comme les intermittent.e.s, je le sais, mais j’ai 3 métiers qui se tiennent :

Spectacle, animation et formation

Certaines prestations peuvent entrer dans le cadre du calcul de l’intermittence et d’autres non…

Je travaille au quotidien avec ce qui se propose à moi, ce qui répond à mes besoins d’artiste conteuse et je sais que si je bascule dans le système de calcul de l’intermittence, ce sera terminé, car évidemment il me faudra un nombre d’heures pour être renouvelée et je refuse de choisir mes prestations.

Pourquoi ?

Si je joue trop, je m’éloigne d’une proximité qui me nourrit.
Si je fais trop d’ateliers, je me sens trop animatrice et moins conteuse.
Si je forme peu, il me manque ce partage, cette transmission, ces réflexions qui me font avancer à chaque fois en échangeant avec des professionnel.le.s de l’enfance, des écoles, des personnes qui travaillent dans les musées, les assistantes maternelles, les bibliothécaires, les éducateurs/trices…

J’ai besoin des 3.

Si je vise l’intermittence, je ferai, comme beaucoup, une course aux dates pour être sûre de renouveler mon statut. Je programmerai des résidences, je jouerai avec les heures et je calculerai tout le temps en nombre d’heures.

Je ne le souhaite pas. Même après vingt ans. Je reste libre.

Et pourtant…

Eau fraiche

Aujourd’hui, je suis face à une situation nouvelle.

Aujourd’hui, on me refuse des devis. Bibliothèques, conseil général ou départemental, agglo… et c’est nouveau car les prestations ont quand même lieu. Le public a accès à une programmation culturelle décidée en amont avec un budget. Ah les budgets…

Mais je m’aperçois vite que des associations ont ces contrats, que des personnes offrant des prestations d’atelier et non spectacle ont les dates.

Comment notre profession de conteuses, conteurs professionnel.le.s peut-elle être prise au sérieux quand moi je vends mes spectacles à 400€ seule et que ceux celles retenu.e.s sont 4, 5 conteuses conteurs pour beaucoup moins cher, à carrément 40€ la prestation ?!!!!

Je ne peux proposer cela. C’est impossible.

C’est la responsabilité de chacun.e

Les structures doivent programmer des artistes professionnel.le.s qui luttent pour survivre et doivent comprendre qu’ ils/elles contribuent à leur perte en agissant ainsi.

Les personnes qui sont professionnelles, donc n’ont que cela comme revenu, ne peuvent pas travailler gratuitement. Ne peuvent pas perdre de l’argent pour travailler ! Pour faire des dates !!!!

Nous avons des charges. Des frais de route. Nous n’avons ni retraites, ni salaires, ce n’est pas un hobby, ni un complément pour améliorer notre quotidien.

C’est notre vie. Notre engagement.

Les professionel.le.s ou amateurs/trices qui n’ont pas besoin de cet argent pour vivre doivent elles et eux aussi réagir et se limiter. Ne pas rentrer dans des programmations qui aujourd’hui prennent la place de personnes qui luttent pour travailler et ne peuvent se permettent de brader leur travail.

Quand je vends un spectacle 400€, je sais que je devrais le tourner au moins 13 fois avant de commencer à gagner de l’argent avec. Car il m’aura demandé des heures de recherches, de constructions, de répétitions, de l’investissement dans du matériel ou des costumes, des rencontres, des visites pour comprendre un lieu, une plante, une ethnie…

Ne nous tuez pas !

Nous aimons nos métiers. Nous sommes des passionné.e.s, des malades du vivre ensemble, de la beauté du monde et des mots.

Alors que chacun.e prenne conscience de cela et s’interroge en proposant une prestation si cela est logique d’offrir cette prestation à ce prix et pour cette structure et que les structures se demandent si elles œuvrent dans le bon sens de la culture et de la lutte contre la déchéance culturelle en France. Ainsi, je pense que tout le monde se sentira grandi dans ce monde qui ose nous envoyer vers des voies que personne ne souhaite entretenir.

Ne créons pas le Shein culturel !

Merci de m’avoir lu.

Christine

 

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